Chansons de l'Exil en Provence

Pologne

Bernadette
W poniedzialek rano (chanson populaire polonaise)
Zochia Izbe Zamiatala (Chanson polonaise)

Chansons polonaises

Écouter les cassettes de chansons polonaises, c’est comme tourner les pages d’un album photo

Propos recueillis par Marie d'Hombres

Bernadette vit à Gardanne depuis plusieurs décennies, mais elle porte toujours avec fierté deux univers : la culture Chti & son histoire familiale polonaise marquée par Ma, sa grand-mère, immigrée en France au début du vingtième siècle. Ma a appris le polonais à ses petits-enfants, Ma leur chantait des chansons ; avec Ma, ils sont allés plusieurs fois rendre visite à leurs cousins de Pologne et grâce à Ma, Bernadette a été baignée de mélodies et de langue polonaise. Comme de nombreux habitants du Nord venus travailler dans les mines de charbon tout au long du dix-neuvième et du vingtième siècles, la famille de Bernadette est originaire de Pologne. Dans la petite ville où elle a vécu, il y avait le boucher polonais, le boulanger polonais, le curé polonais, l’école polonaise...

Le travail que nous commençons ensemble – ressasser les vieux souvenirs de la Pologne – l’emmène à voyager à Lille pour rendre visite à sa marraine et sa tante. Elle s’y rend à deux reprises au cours du projet, et revient chargée d’enregistrements de chansons religieuses, de confiseries polonaises et de nouvelles anecdotes. C’est un véritable bonheur que de partager avec elle un bout de son univers tant elle insuffle, dans chacune de ses paroles et de ses gestes, une gaieté inouïe.

 

« Ma grand-mère, que l’on appelait Ma et qui s’appelait Maria est née en 1899 et elle est venue en France avec sa soeur Françoise- Franciszka. Maria et Françoise étaient les ainées. Leurs autres frères et soeurs sont restés en Pologne ; je les ai connus pendant les vacances, quand on allait leur rendre visite. Dès que mon père a pu acheter sa 4L, on partait sur les routes, avec des billets cachés dans nos sandwichs pour qu’ils ne soient pas trouvés par les douaniers au poste de contrôle! Au moment de passer la frontière, je devais prendre mon sandwich et le manger très lentement! La famille de Ma habitait à environ deux cent kilomètres de la frontière. On passait par Aix-la-Chapelle puis Frankfurt-an-der-Oder puis Wraclow puis Bielewo. Toute une expédition! Quand mon oncle, le mari de ma marraine Thérèse, a eu sa Dauphine, on y allait tous ensemble, à deux voitures.

à notre arrivée, toute la famille était là, ils attendaient que les Français arrivent pour organiser les mariages et les fêtes familiales  ; on tuait le cochon, on dansait toute la nuit : accordéon, vodka, polka et compagnie. L’ambiance était fraternelle.

Ma s’est d’abord mariée avec Jean Gryczynski, également polonais, qui appartenait à une grande famille de commerçants et est décédé très jeune, à l’âge de trente-trois ans. Elle a eu deux enfants de lui : Lucie, ma mère et Marech, mon oncle. Veuve, elle a épousé un monsieur Kotowski avec lequel elle a eu une fille, Thérèse, ma marraine, qui vit toujours dans le Nord.

Dans le Nord de la France, les Polonais étaient nombreux: la plupart travaillaient dans les mines et vivaient dans les corons. Dans ma famille, ils étaient plutôt commerçants, mais ma tante, Françoise Ankowiak, habitait aussi dans un coron, à cent mètres de chez nous, donc je suppose que son mari était mineur. Elle n’a pas eu de chance : elle a perdu sa fille unique, Stéphanie, décédée à l’âge de dix-huit ans puis, peu après, son mari. Alors elle était tout le temps avec nous… Mes parents étaient tous deux des travailleurs acharnés, ma mère autant que mon père, ce qui était rare pour l’époque. Comme ils travaillaient beaucoup, c’est Ma qui nous gardait.

Au début, à la maison, tout le monde parlait polonais. Quand il a commencé l’école, mon frère ne connaissait pas un mot de français! Et en dehors de l’école, on suivait des cours de polonais donnés par Pan Czieslak.Il y avait tellement de Polonais dans notre région qu’on avait aussi notre propre curé et notre propre messe polonaise. Les prêtres français et polonais se relayaient : chacun faisait sa messe à deux horaires différents. La communion des Polonais avait du relief : les filles étaient habillées comme des mariées  ! Je me souviens de la finesse de ma médaille de communion, ciselée comme de la dentelle ; elle a malheureusement disparu dans un cambriolage.

(...) Les dimanches, on organisait des repas familiaux avec de grandes tablées; ensuite, ça jouait aux cartes en musique: on avait des tourne-disques et beaucoup de 33 tours de musique polonaise. On dansait beaucoup.

En 2009, Marech, mon cousin qui vit en Pologne, a marié sa fille. Mon oncle et son fils y sont allés et ont ramené trois CD du mariage que j’ai regardés avec beaucoup de plaisir. Les noces ont duré trois jours! Aujourd’hui, mes cousins de Pologne ont une meilleure vie, mais à l’époque, quand on y allait, c’était difficile.

Ma te chantait des chansons?

Oui, souvent, en polonais mais aussi en allemand. Il y a une petite comptine que je n’ai jamais oublié : elle est toujours dans ma tête. Elle signifie : « Maman est en robe de chambre; le petit garçon saute sur les meubles…  »

J’aimais beaucoup le côté festif et entrainant des chansons populaires polonaises. Ce sont des chansons gaies, dansantes, avec accordéon, violon et batterie. Des mélodies entrainantes, qui nous poussaient à danser la polka.

Quelles chansons polonaises t’ont marquée ?

L’une, que j’écoutais souvent, Zochia Izbe Zamiatala parle d’une jeune fille, Sofia, et de son amoureux : Sophie balaie la cuisine, elle appelle son amoureux Mathieu et lui dit : « Viens m’aider, balaie dans les coins ». Puis dans la strophe suivante, la grand-mère allume la lumière et surprend Mathieu. Elle lui dit : « Qu’est-ce que tu fais ? Tu vas étouffer ma Sophie ! » et Mathieu répond : « Non non, je ne vais pas l’étouffer, mais ce que j’ai commencé, il faut que je le finisse ! »

Une autre chanson, Wponiedzialek Rano, raconte la semaine d’un paysan. C’est le fils du fermier qui chante : le premier jour, lundi, on fauche l’herbe ; le mardi, on ratisse ; le mercredi, on la met à sécher ; le jeudi, on la transporte en charrette ; le vendredi, on la vend ; le samedi, on la boit ; et le dimanche, on n’a plus rien et on pleure !

Bernadette chante les deux chansons en les commentant.(...) »

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